Le long combat contre les clichés liés au genre dans les études d’ingénieurs

Publié le 04 juillet 2022
 • Mis à jour le 13 septembre 2023
 • digiSchool

Comment attirer davantage d’étudiantes dans les études d’ingénieurs ? L’opération Ingénieuses, créée par la CDEFI il y a dix ans, se bat pour casser les clichés liés au genre dans ces filières. Philippe Dépincé, président de la commission formation et société à la CDEFI, nous présente les principaux stéréotypes à combattre afin de favoriser la mixité dans les études d’ingénieures.

Pourquoi y a-t-il seulement 28 % de filles en écoles d’ingénieurs ?

Philippe Dépincé : Quand on parle de 28 % de filles en écoles d’ingénieurs, c’est une statistique globale : il y a énormément de disparités selon les filières. Par exemple, on trouve 50 % à 60 % de filles en biologie agronomie, et moins de 15 % en informatique.

Des stéréotypes de genre sont toujours véhiculés auprès des enfants et des jeunes femmes. Ils proviennent de leur famille, de leur environnement scolaire, de leurs loisirs…

L’école participe à la création des stéréotypes de genre. Ainsi, en sciences, l’attention portée aux garçons et aux filles par les professeurs n’est souvent pas la même. Il y a notamment une représentation genrée de cette discipline : elle est vue à tort comme plus masculine.

Force est de constater que les jeunes ne sont pas exposés aux mêmes représentations selon l’environnement dans lequel ils vivent. Dans les zones rurales ou périurbaines, par exemple, certains clichés hommes-femmes peuvent avoir la vie dure.

Et concernant la répartition des tâches à la maison et les loisirs, il existe toujours des stéréotypes sur les rôles attribués aux hommes et aux femmes ! Dans les familles, le père s’occupe souvent des travaux du jardin. La mère va davantage prendre soin des fleurs ou s’occuper de l’intérieur… Avec Ingénieuses, on essaie de combattre ces stéréotypes de genre dès le lycée.

Voir aussi : Victoria, ingénieure aérospatiale engagée pour l’égalité

Comment évolue cette statistique depuis dix ans ?

Philippe Dépincé : Il y a eu une progression linéaire entre les années 1970 et 2012-2014, passage progressif de 5 % de filles à 28 %. Depuis, le taux de féminisation stagne. Nous avons créé le concours Ingénieuses avec la CDEFI il y a dix ans pour combattre les stéréotypes de genre, notamment en ce qui concerne l’orientation des jeunes.

Nous devons changer la représentation des ingénieurs dans la société. Souvent, un ingénieur va intervenir lors d’un journal télévisé ou à la radio, pour commenter un problème technique et/ou pour fournir des explications. Mais on montre rarement son quotidien, alors qu’il est très varié ! L’ingénierie est présente partout. C’est un domaine qui a son importance, y compris dans la transition écologique. Et c’est un métier qui a du sens.

Notre objectif, est d’atteindre un taux de représentation de filles dans nos écoles similaire à celui de la société, soit 50 % de filles. En effet, les ingénieurs vont accompagner les changements sociétaux, donc les élèves au sein des écoles d’ingénieurs doivent être à l’image de la société. Les hommes n’ont pas la même vision que les femmes : des innovations qui vont impacter la vie de tout le monde ne peuvent donc pas dépendre uniquement d’eux.

Voir aussi : Quelles sont les soft skills à cultiver pour devenir ingénieur ?

Quelles sont les principales initiatives d’Ingénieuses ?

Philippe Dépincé : Le concours Ingénieuses est national mais aussi international puisqu’il est également destiné aux élèves ingénieures du Maghreb.

Il prend la forme d’un appel à candidatures à destination des écoles d’ingénieurs accréditées par la Commission des titres d’ingénieur (CTI), des élèves-ingénieures de France et du Maghreb et des femmes ingénieures en activité dans quatre catégories. Neuf prix sont donc remis à l’issue du concours.

Pour la dernière édition du concours Ingénieuses 2022, 193 dossiers ont été reçus et étudiés par le jury composé de membres de la CDEFI et de représentants de nos partenaires et soutiens.

Nous organisons aussi, via nos écoles membres, des interventions d’ingénieures dans les lycées, afin qu’elles puissent parler de leur métier et casser les stéréotypes. Nous avons créé également le label Cap Ingénieuses qui est destiné à mettre en avant des projets déployés par des écoles d’ingénieurs dans des classes d’écoles élémentaires et de collèges locaux. Le but est de lutter contre les stéréotypes de genre qui se développent et qui influent sur l’orientation dès le plus jeune âge.

Nous souhaitons aussi mettre en avant les femmes ingénieures. Aujourd’hui, seulement un cinquième des ingénieurs en poste sont des femmes. Les représentations actuelles de ce métier, notamment via les médias et la pop culture, n’arrivent pas vraiment à donner envie aux jeunes filles… Il y a beaucoup de peurs infondées chez les jeunes filles concernant ce métier, comme celle de devoir sacrifier leur vie de famille pour exercer ce métier. Or, c’est faux !

Voir aussi : Huit questions à te poser pour choisir ton école d’ingénieurs

Pensez-vous que le retour des mathématiques dans le tronc commun du lycée donnera envie à plus de filles de se tourner vers les enseignements scientifiques ?

Philippe Dépincé : Avant la réforme du lycée, il y avait 50 % de filles en Terminale S. Elles pouvaient ensuite aller dans des écoles d’ingénieurs mais ne le faisaient pas. Il faut agir sur le vivier en amont, et donc dès le collège, pour inciter davantage de jeunes, particulièrement des jeunes filles, à entreprendre des études scientifiques et techniques. Rappelons que nous faisons face à une pénurie importante d’ingénieurs et d’ingénieures, et que de beaux et multiples métiers sont possibles après des études d’ingénieurs

Ramener des maths dans le tronc commun va peut-être permettre d’élever globalement le niveau en mathématiques, et donc ouvrir les choix en matière d’orientation. Et puis, les maths, on en a besoin partout !